lundi 9 avril 2012

Le jour où tu es mort

23h43. Le téléphone sonne. Mais qui peut bien me faire chier à cette heure-ci? Je suis fatiguée et j'ai envie d'aller me coucher. Le numéro commence par 04 94. Pas bon. Comme Toulon, comme l’hôpital, comme la mort. Un homme me parle: "J'appelle au sujet de votre père". J'ai compris. "Oui? Non... non... NON!!!". Voilà. Il me dira que tu es parti dans la soirée, qu'ils sont venus te voir mais que c'était "déjà fait". Alors comme ça, tu pars sans dire au revoir? Tu m'avais déjà caché ton agonie. Je me suis pris un 3,5 tonnes sur la tête. Et là, ça fait 6 heures que je le sais, alors j'erre dans l'appartement, je fume clope sur clope (pas bien), j'oublie où je pose mes mouchoirs, je pleure, je pleure, je m'en veux de ne pas t'avoir écrit aujourd'hui, de t'avoir cru lorsque tu me disais que ça irait, je m'en veux de ne pas t'avoir dit plus souvent que je t'aimais, même si cela n'a pas été le cas pendant longtemps. Je t'ai envoyé un dernier sms. Tu n'y répondras pas, même si j'ai espéré. Y'a eu l'accusé de réception. Mais tu es mort alors...

J'ai l'impression que tu m'abandonnes pour la deuxième fois. J'ai voulu ta mort tellement souvent quand j'étais gosse. Parce que tu étais parti, parce que tu étais tout le temps en dessous de tout. Tu es sacrément remonté dans mon estime le jour où tu m'as dit que tu avais arrêté les shoot lorsque tu as retrouvé une photo de moi, petite dans ta montre à gousset (seule chose que tu n'avais pas revendue pour de la dope). Et lorsque tu as failli mourir il y a huit ans, j'étais heureuse et inquiète de reprendre contact avec toi. Tu avais arrêté de te détruire. Ni alcool, ni drogue, et tu étais en train d'arrêter la cigarette. Wow. J'avais plus une espèce de clodo devant moi, mais un homme. Enfin je dis devant moi... au téléphone d'abord. Puis on s'est vus. Le choc. J'avais tellement de colère, tellement de frustrations en moi! Et ça s'est apaisé. Et nos liens se sont crées, puis resserrés, si bien que lorsque j'avais besoin de parler à quelqu'un, des conseils à demander c'est toi que j'appelais. Avec Maman bien entendu.

Je te dis tout ça parce que j'ai jamais eu l'occasion de te le dire, je veux dire franchement, sans langue de bois. Je t'ai haï, et aujourd'hui je t'aime. Je me doutais que les petits dessins des enfants et les cartes qu'on t'a envoyé seraient les derniers. Je t'ai écrit un petit mot tout mignon, je t'ai appelé "Papa"... Je m'en doutais seulement, j'ai essayé de m'y préparer mais me voilà à presque 6h du matin à écrire tout ceci parce que je ne réalise pas.

Tu es mort. Non. Je peux pas l'accepter. J'attends qu'il soit 7h du matin pour appeler Valérie. Et ta soeur. Et tes amis. Après il faudra appeler l'hopital pour le certificat de décès. Puis l'assurance, la banque, la caf, la cpam. Il faudra que j'organise tes funérailles, que je fixe une date. Que je fasse 800 kilomètres. Que j'entre dans ton appartement. J'espère ne pas être seule à ce moment là mais ça m'étonnerait. Qui sera là pour m'accompagner? Personne. Je crève d'envie d'être entourée là tout de suite parce que ma tête va exploser. Je me sens seule. Abandonnée. Je veux quelqu'un qui me dise que c'était faux.

Pour ce billet, pas d'image, pas de chanson. Juste des mots. A coeur ouvert. Pas de relecture. Juste des larmes.